Comment donner de la profondeur à votre roman ? Pourquoi certains livres restent-ils gravés en nous pour toujours, tandis que d’autres disparaissent de notre mémoire aussi vite qu’une bulle de savon qui éclate ?
En réfléchissant sur les œuvres qui m’ont le plus marquée, j’ai dégagé quelques-uns de leurs secrets.
Retrouvez-les dans cet article, et donnez à votre roman l’étoffe des grands – oui, sur Rêves d’Écriture on n’a pas peur de voir grand 😉!
1 – Donner de la profondeur à votre roman : les personnages, encore les personnages, toujours les personnages !
Les personnages sont une part fondamentale dans la réussite d’une œuvre. Pas de roman mémorable avec des personnages en carton-pâte.
Dotez vos personnages d’une psychologie complexe.
N’hésitez pas à consulter l’article du blog « Comment créer des personnages inoubliables ? ».
Fouillez leur failles, leur passé, leurs réactions face à l’adversité.
Quelles personnes sont-ils au début de l’intrigue ?
Mais surtout : en quelle mesure sortent-ils transformés de votre histoire ?
Quel effet ont sur eux les multiples épreuves dont vous avez jalonné leur chemin ?
À titre personnel, je trouve que les personnages les plus ambivalents sont aussi les plus mémorables.
Ceux qu’on nous présente comme appartenant au camp des bons.
Mais qui vont s’avérer redoutables.
Comme Daenerys Targaryen, dans Game of Thrones. Elle est animée de bonnes intentions, à savoir gouverner de manière plus juste. Mais son obsession de conquérir le trône de fer finira par se muer en folie destructrice.
Autre exemple tiré de la Servante écarlate, incontestablement une de mes séries préférées. L’héroïne, June Osborne, est une lumineuse jeune femme de 30 ans arrachée à sa famille pour devenir l’esclave sexuelle d’une riche famille en mal d’enfants. Plongée dans l’atrocité d’un univers totalitaire, June laisse peu à peu son côté obscur émerger pour lutter contre ses geôliers.
Jusqu’à devenir complètement borderline.
Elisabeth Moss interprétant June Osborne
Sans vous spoiler si vous ne connaissez pas encore la série, certaines scènes m’ont laissée sans voix. Et m’ont également fait profondément réfléchir. Car au-delà de l’évolution de June, c’est bien de la condition humaine dont il s’agit. De comment un régime totalitaire peut transformer les meilleurs d’entre nous et pulvériser la frontière entre le bien et le mal.
La série m’aurait-elle autant marquée si son héroïne était restée irréprochable tout du long ? Pas sûr…
2 – Transporter votre lecteur dans un univers riche
Autre élément de choc pour infuser de la profondeur à votre récit : la richesse de son univers.
Prenez le Seigneur des Anneaux ou Game of Thrones.
Leurs univers sont fouillés au millimètre près.
Ils font voyager le lecteur, l’immergent dans une expérience unique, le font rêver.
Ah, les splendeurs de Qarth, l’hiver impitoyable de Winterfell, les terres monstrueuses au-delà du Mur, les cités esclavagistes de Meereen, Yunkaï et Astapor, la mer Dothrak et la mystérieuse Valyria…
La cité de Qarth, Game of Thrones
Quelle fabuleuse puissance évocatrice ! Rien que les noms nous transportent.
Vous allez me dire : oui, mais ce sont des œuvres de fantasy, c’est la loi du genre.
Certes, pas besoin d’inventer un univers aussi complexe dans un roman plus réaliste.
Pour autant, créer un univers riche pour votre roman n’en demeure pas moins capital pour ancrer le lecteur dans votre récit. Pour stimuler ses sens et lui donner l’illusion du réel.
Prenez La gloire de mon père et Le château de ma mère de Marcel Pagnol. Quelle merveilleuse représentation de la Provence ! Rien qu’à tourner leurs pages, le lecteur a les oreilles remplies du chant des cigales et du patois provençal, il respire les parfums de la garrigue…
Ou encore Petit pays, de Gael Faye. Au-delà de l’évocation du Burundi d’avant le génocide, ce livre est une ode à l’Afrique, sa beauté, ses couleurs, ses odeurs…
3 – Donner de la profondeur à votre roman en y infusant votre vision du monde
Je ne sais pas pour vous, mais les livres qui résonnent le plus en moi sont ceux qui portent un message.
Une vision.
Un sens.
Ceux qui me transportent dans une intrigue palpitante tout en me donnant à réfléchir.
Les romans sont là pour nous divertir, mais aussi pour dénoncer, critiquer, perpétuer le devoir de mémoire, nous secouer, nous éduquer.
Et ce sans nous faire de sermon. Par la magie de leur narration, de leurs personnages, de leur histoire : c’est tout l’art du storytelling !
Les livres de Nadia Hashimi nous transportent dans l’univers terrible des femmes afghanes. Mais ils nous plongent aussi dans la passionnante histoire de l’Afghanistan, nous font découvrir le fonctionnement du Parlement afghan (La perle et la coquille) ou du système judiciaire du pays (Pourvu que la nuit s’achève).
La dénonciation du caractère étouffant de la société victorienne irrigue les romans policiers d’Anne Perry.
Les ouvrages de Maryse Condé, Prix Nobel de littérature « alternatif », explorent le colonialisme et le chaos post-colonial aux Antilles.
Je vous avais parlé dans un précédent post de Filles de la mer, le roman puissant de Mary Lynn Bracht sur les « femmes de réconfort » de l’armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale.
Je trouve la vision de son auteur particulièrement juste :
« Il est de notre devoir d’informer les générations futures au lieu de leur cacher les atrocités commises pendant la guerre ou de prétendre qu’elles n’ont jamais existé. C’est en nous souvenant du passé que nous l’empêcherons de se répéter. Les livres d’histoire, les chansons, les romans, les pièces de théâtre, les films et les monuments commémoratifs sont essentiels pour nous aider à ne jamais oublier, afin de construire l’avenir sur la paix. »
Mary Lynn Bracht
4 – Un peu de poésie…
Rien de tel qu’une touche de poésie pour donner profondeur et beauté à votre livre.
Pourquoi ne pas insérer un poème ou une chanson dans votre récit, ou même un conte ?
Ils vont apporter une dimension supplémentaire à votre narration et de la variété à votre style tout en transportant votre lecteur.
Khaled Hosseini commence son roman Ainsi résonne l’infini des montagnes par un conte fantastique. Celui raconté par un père à ses deux enfants, avant de les séparer en faisant adopter la petite fille par une riche famille de Kaboul.
Ce conte est une manière extraordinairement poétique de faire rentrer le lecteur dans l’histoire. Et lorsqu’on referme le livre, on se rend compte à quel point le conte était signifiant. Il contenait en réalité tout le roman en germe, et préfigurait la fin.
La poésie s’infère aussi de la force des images, des symboles, des détails dont l’auteur agrémente son œuvre.
Sans en abuser, bien sûr, tout est dans la juste mesure 😊
J’ai ainsi été particulièrement touchée par une image du film Sept ans au tibet. Les superbes sculptures de beurre façonnées par les moines tibétains, en train de se décomposer au soleil. Elles expriment la vision bouddhique de l’impermanence de toute chose, mais aussi, plus tragiquement, la fragilité du Tibet face à l’invasion chinoise.
Sculpture tibétaine en beurre
5 – Donner de la profondeur à votre roman en suscitant l’émotion de vos lecteurs
Les œuvres que j’ai trouvées les plus mémorables ont une dimension universelle. Une capacité à entrer en résonance avec les lecteurs.
En d’autres termes, à se connecter à des sentiments et à des émotions universels.
C’est ainsi que Le Château de ma mère de Marcel Pagnol continue de me faire chavirer encore aujourd’hui, et que je ne peux pas ouvrir le livre ou penser au film sans tirer ma petite larme 😢
La nostalgie de l’enfance, le caractère toujours trop court des moments heureux, la douleur de la perte d’une mère… tout ceci fait appel à des émotions puissantes que chacun de nous peut ressentir au plus profond de lui-même.
Des thématiques intemporelles qui font que 70 ans après sa parution, le livre de Pagnol n’a pas pris une ride.
C’est le pouvoir de livres. Ils nous parlent de nous, des autres, de la condition humaine.
Grâce à eux, nous parvenons à mieux nous connaître, à nous mettre à la place des autres.
Enfin, ils nous apportent du courage dans nos épreuves, en nous donnant des héros auxquels nous identifier, des modèles à qui nous référer.
Et vous, quels sont les livres qui vous ont le plus marqué ? Pourquoi ?
Couverture : Le lac Sheshnag, Nicholas Roerich