Le crève-cœur du manuscrit refusé.
Vous avez sué sang et eau sur ce manuscrit, l’avez relu, fait relire, corrigé. Des mois, voire des années de travail.
Enfin, vous avez pris votre courage à deux mains et l’avez adressé à des éditeurs.
Voilà que les premiers verdicts tombent : « Nous avons lu votre manuscrit avec attention mais sommes au regret de vous annoncer qu’il ne correspond pas à notre ligne éditoriale ».
BIM ! On a beau s’y être préparé, le moral en prend un coup ☹ Et pourtant…
Je vous ai préparé un petit kit de survie pour assumer votre manuscrit refusé et renaître de vos cendres tel le plus beau des phénix !
1 – Respirez un grand coup et félicitez-vous
Parce que vous avez eu les tripes d’écrire votre livre et d’aller jusqu’au bout de votre rêve, et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.
Combien de manuscrits abandonnés en cours de route ? De personnes qui caressent une idée de roman sans jamais s’y mettre réellement ?
Écrire un livre demande un investissement émotionnel et intellectuel considérable, c’est un véritable marathon. On se dévoile, on s’expose et, bien sûr, on prend énormément de plaisir et on progresse dans notre écriture.
Et ça, personne ne pourra vous le retirer.
Alors bravo et ne baissez pas les bras !
2 – Le manuscrit refusé, un passage quasi obligé pour les auteurs
Il y aura toujours des petits veinards qui recevront le coup de fil qui va bien d’une maison d’édition deux jours seulement après avoir envoyé leur manuscrit par la Poste : « On adore ce que vous faites, on veut travailler avec vous tout de suite ».
C’est le cas de Négar Djavadi avec les éditions Liana Levi pour son superbe et premier roman Désorientale.
Je me souviens très bien des jours qui ont suivi mes premiers envois de manuscrits aux éditeurs. Je m’étais mis en tête que mon téléphone allait sonner tout de suite, façon Négar Djavadi.
Mais les seules personnes qui prenaient un malin plaisir à m’appeler étaient mon opérateur pour me vendre de la fibre, ou l’accueil de mon boulot pour m’indiquer que des huissiers étaient passés 🤣
Malheureusement, pour le commun des mortels, il faut composer, non seulement avec une longue attente, mais en plus, avec des rejets.
Quelques exemples réconfortants :
- Les plus grands l’ont vécu : Proust, JK Rowling… Le comité de lecture de Gallimard, en 1938, critiquait Julien Gracq pour « des phrases entortillées » et un « texte terriblement ennuyeux et inutile ».
- Pour un regard bourré d’humour et de légèreté sur des années de rejet, je vous suggère le livre Comme par magie, dans lequel Elizabeth Gilbert revient sur son parcours d’écrivain.
- Olivier Bourdeaut, l’auteur du best-seller En attendant Bojangles avait tellement l’habitude d’être rejeté qu’il a cru à un canular lorsque la maison d’édition Finitudes l’a contacté pour lui dire qu’ils avaient aimé son livre et qu’ils souhaitaient le rencontrer.
- Pour son premier roman Les Fourmis, Bernard Werber, aujourd’hui l’un des auteurs français les plus lus au monde, a dû renvoyer son manuscrit pendant 6 ans à des éditeurs et a reçu trois lettres de refus de la part de son éditeur actuel Albin Michel.
3 – Ne prenez pas personnellement un manuscrit refusé
Les éditeurs sont submergés, et c’est d’autant plus vrai pour les grandes maisons d’édition. Gallimard reçoit près de 8000 manuscrits par an, Robert Laffont et Fayard : 4000 manuscrits chacun…
Difficile de faire son trou dans ces conditions, surtout pour un auteur débutant.
Manuscrit refusé n’est pas synonyme de mauvais manuscrit.
Pour éviter de sombrer dans les affres du « je suis nul(le) ! », allez faire un tour du côté de mon article « Le syndrome de l’imposteur, et si on l’apprivoisait ? ».
Peut-être n’avez-vous pas assez ciblé l’éditeur, ou ne collez-vous pas assez aux goûts et à la ligne (hé oui, la fameuse ligne éditoriale…) de la maison.
Mais en réalité, il s’agit bien souvent d’une décision commerciale. Jane Friedman, blogueuse américaine experte du monde de l’édition, explique très bien le phénomène.
Un éditeur fonctionne souvent avec un petit nombre d’auteurs très bankable pour pouvoir financer le reste de son catalogue. Il a besoin d’un retour sur investissement, et c’est plus facile avec quelques valeurs sûres qui ont déjà une audience et un réseau.
Or, l’éditeur peut estimer qu’il ne va pas arriver à rentabiliser son investissement si :
- Votre livre est trop long : il y a des exceptions bien sûr, mais en général les maisons d’édition acceptent difficilement des textes au-delà de 450 pages pour un premier roman ;
- Vous êtes totalement inconnu ou votre réseau n’est pas suffisamment développé pour qu’il prenne le risque de parier sur vous ;
- Votre texte ne rentre pas dans le moule actuel ou dans les standards du moment ;
- Au contraire, vous rentrez trop dans le moule : c’est le paradoxe de l’édition, qui recherche en permanence des voix nouvelles, fortes et originales… tout en ayant peur de s’écarter des recettes qui ont fait leurs preuves.
4- Un manuscrit refusé, et alors ?
Il suffit d’un seul oui, après tout ! Pourquoi ça ne vous arriverait pas à vous ?
Remettez des pièces dans le grand flipper cosmique.
Adrian Trinkaus
Faire circuler votre manuscrit auprès d’autres maisons d’édition. Après un rejet, une technique peut être de pratiquer systématiquement un nouvel envoi, pour maintenir le manuscrit en circulation.
Affinez, ciblez. Prospectez des maisons plus petites.
Inscrivez-vous aux newsletters des maisons d’édition, suivez-les sur les réseaux sociaux. Cela vous permettra d’affiner votre compréhension des leurs lignes éditoriales.
Inscrivez-vous à des blogs littéraires pour suivre les nouvelles sorties de roman. C’est très instructif pour découvrir de nouvelles maisons d’édition.
5 – Prenez du recul
Au bout de plusieurs rejets, je recommande de laisser reposer le texte. Vous êtes fatigué et lui aussi !
Trouver un éditeur prend du temps.
Marie Vareille explique dans un de ses livres qu’elle a mis plus d’1 an et demi à trouver un éditeur pour son premier roman. Aujourd’hui, elle compte de nombreux romans à son actif, publiés chez Charleston pour l’essentiel, dont la plupart ont reçu des prix !
Faites autre chose : lancez-vous dans un nouveau projet d’écriture.
Développez votre présence en ligne en créant votre site d’auteur et en étant actif sur les réseaux sociaux. Tout cela se révèlera précieux pour diffuser votre livre lorsqu’il sera enfin prêt, que vous ayez ou non un éditeur.
6 – Utilisez votre manuscrit refusé pour vous remettre en question
Après avoir laissé reposer votre texte quelques mois, vous serez en mesure de l’appréhender avec un regard neuf et de déceler ses éventuels axes d’amélioration.
Et ça, c’est juste impossible quand on a le nez dans le guidon !
C’est le moment d’envisager de retravailler votre manuscrit.
Car écrire, c’est avant tout… réécrire.
Sollicitez une personne de votre entourage qui a l’habitude de lire beaucoup.
Si vous en avez le budget, sollicitez un lecteur professionnel. C’est un investissement, certes, mais cela vaut le coup. Cette personne jugera votre livre en toute objectivité, comme le ferait le comité de lecture d’une maison d’édition.
Comme ça, s’il vous complimente sur votre manuscrit, vous ne vous poserez pas de questions comme avec votre famille ou vos amis 🌻.
Enfin, si vous avez la chance de recevoir des lettres de refus argumentées, ne vous braquez pas. Essayez d’analyser le retour avec objectivité. Tirez-en les enseignements qui s’imposent pour améliorer votre livre.
Stephen King raconte qu’il a longtemps collectionné les lettres de refus !
Souvenez-vous : c’est une chance de bénéficier de l’avis d’un professionnel sur votre travail, même si c’est parfois difficile pour l’égo.
7 – Autoéditez-vous !
Si, après avoir retravaillé votre texte, ciblé et re-ciblé des maisons d’édition, vous n’avez toujours pas trouvé d’éditeur, ne baissez pas les bras.
Cela ne veut toujours pas dire que votre texte est mauvais, ou que vous ne savez pas écrire.
Ne renoncez surtout pas à vos rêves d’écriture et sautez les pas de l’autoédition.
De très beaux succès d’écriture ont commencé avec l’autoédition, comme Agnès Martin-Lugand et Aurélie Valognes.
Et vous, avez-vous déjà vécu l’expérience du manuscrit refusé ? Comment l’avez-vous gérée ?
Couverture : peinture traditionnelle chinoise de Fengyang – « Cent oiseaux rendent hommage au phénix »
2 commentaires
Très beau, le symbole du Phénix! Ce que tu écris au sujet du manuscrit refusé est valable pour toute situation de difficulté ou même d’échec! Garance, tu es tonique, et ça fait du bien de te lire! J’ose même dire que ça me donnerait envie de me lancer dans l’aventure de l’écriture… si seulement j’en avais le talent…
Je suis sûre que tu as bien plus de talent que tu ne le penses, Martine. Parfois, la chose qui nous fait le plus peur est notre propre lumière…