Captiver ses lecteurs, les rendre tellement accro qu’ils ne pensent plus qu’à tourner les pages de notre livre, quoi de plus valorisant pour un auteur ?
J’ai lu récemment 3 excellents romans, par ailleurs des best-sellers : La perle et la coquille de Nadia Hashimi, Le silence d’Isra d’Etaf Rum et Filles de la mer de Mary Lynn Bracht. Peut-être les avez-vous lus aussi. En tout cas, ils m’ont donné une belle leçon d’écriture pour une narration plus efficace.
Je suis ravie de la partager avec vous dans cet article !
1 – Captiver ses lecteurs en les invectivant personnellement
Le narrateur s’adresse directement au lecteur et lui fait une promesse alléchante, de mystère ou de tension dramatique.
Dans Le silence d’Isra, le narrateur nous dit au tout début du livre :
« Cette histoire, vous ne l’avez jamais entendue. Peu importe combien de livres vous avez lus, combien de contes vous avez entendus, vous pouvez me croire : personne ne vous jamais raconté une histoire telle que celle-ci. »
Immédiatement, cette invective capte l’intérêt du lecteur. Qu’est-ce que cette histoire a de plus que les autres pour que je ne l’aie jamais entendue ?
2 – Captiver ses lecteurs avec un antagoniste plus fort que le héros
Il s’agit d’un procédé très efficace pour que le lecteur s’inquiète pour votre héros et se passionne pour le conflit qui porte le roman.
Dans chacun des 3 livres que je présente ici, le « méchant » apparaît incomparablement plus fort que le héros. Jugez plutôt :
- Rahima, mariée de force à 13 ans, tente d’échapper à la domination de son mari, redoutable seigneur de guerre de 25 ans son aîné (La perle et la coquille) ;
- Hana, 16 ans tente de s’enfuir des bordels de l’armée japonaise et plus particulièrement d’échapper à l’officier qui l’a enlevée (Filles de la mer) ;
- Deya, 18 ans, affronte sa famille et les traditions dans lesquelles elle baigne depuis l’enfance pour gagner sa liberté et découvrir la vérité sur la mort de ses parents (Le silence d’Isra).
Le héros devra combattre durement pour vaincre l’antagoniste.
Ce combat inégal crée une connexion entre le lecteur et votre héros. Il génère la garantie, non seulement de multiples rebondissements, mais aussi d’une transformation du personnage principal entre le début de l’intrigue et son dénouement.
Pour approfondir, n’hésitez pas à lire mon article « Comment créer des personnages de roman inoubliables« .
3 – Séduire ses lecteurs en distillant le mystère
Une manière puissante de susciter l’intérêt du lecteur est de confronter les personnages à des mystères, des interrogations cruciales demeurées sans réponse.
Cela produit du suspense, et le suspense pousse toujours à tourner les pages !
Dans Filles de la mer, Emi est hantée par la disparition de sa sœur Hana, survenue près de 70 ans auparavant. On sait qu’Hana n’est jamais revenue, ce qui suscite un besoin irrésistible de savoir ce qui est réellement arrivé à la jeune fille. La narration révèle très progressivement des bribes d’informations, quasiment au compte-gouttes.
Dans Le silence d’Isra, on apprend que les parents de Deya sont morts dans un accident de voiture lorsque cette dernière avait 6 ans et que le sujet est tabou dans la famille. Petit à petit, la narration délivre des informations supplémentaires qui renforcent le trouble et la souffrance de Deya.
Par exemple, elle se souvient d’avoir entendu son père battre sa mère, « et d’autres bruits plus terribles encore »,
Très efficace également, certains personnages en disent trop ou pas assez. Ils créent l’attente d’une révélation et forcent ainsi le lecteur à poursuivre sa lecture. Toujours dans Le silence d’Isra :
- La grand-mère de Deya : « Même si je te disais la vérité, tu ne me croirais pas » ;
- La tante de Deya : « Il y a quelque chose que je dois absolument te dire », « mais s’il te plaît, ne dis rien à personne» ;
- Un prétendant de la jeune fille qui sous-entend que la mère de Deya méritait que son mari la batte mais refuse d’en dire plus.
4 – Captiver ses lecteurs en finissant ses chapitres par un cliffhanger
Cliffhanger signifie littéralement « suspendu à la falaise ». L’idée est de finir vos chapitres par une action générant un suspense tel que le lecteur n’a pas d’autre choix que d’entamer immédiatement le chapitre suivant.
Le personnage principal se retrouve ainsi dans une situation particulièrement difficile ou dangereuse. Les thrillers en général et les séries utilisent beaucoup ce type de procédés.
Le lecteur se fait un sang d’encre pour le personnage, ce qui est un des moyens les plus efficaces de lui faire poursuivre sa lecture.
Filles de la mer utilise ainsi cet effet lorsque l’héroïne parvient à s’enfuir de la maison de passes pendant la nuit. Les soldats de la relève sont sur le point d’arriver, on sait que les Japonais punissent les tentatives d’évasion de rien moins que de l’amputation d’une jambe… Le chapitre se termine sur une tension dramatique portée à son maximum : impossible d’arrêter sa lecture !
5 – Passionner ses lecteurs par la promesse d’une catastrophe
La perle et la coquille regorge de ce type de procédés, et je peux vous dire que, comme beaucoup d’autres, je n’ai pas pu lâcher ce pavé de près de 600 pages 😊 !
Rahima et sa sœur Parwin, respectivement 13 et 14 ans, ont été mariées de force. Dans une fin de chapitre particulièrement forte, Rahima s’inquiète pour sa sœur qu’elle revoit pour la première fois après de longs mois de séparation :
« Si j’avais su à ce moment-là ce que l’avenir nous réservait, j’aurais sauté le pas sans hésiter. J’aurais fait le mur avec elle le soir même. Au moins, elle aurait eu une chance de s’en sortir ».
Redoutable, non ? On comprend aussitôt que la pauvre Parwin, martyrisée par sa belle-famille, est condamnée. Reste à savoir quand et comment. Le lecteur est bouleversé, stressé, complètement embarqué. Et cela d’autant plus que Parwin est un personnage très sympathique, affligée par ailleurs d’un handicap qui pousse le lecteur à ressentir de l’empathie et de la compassion pour elle.
6 – Captiver ses lecteurs grâce à l’effet « course contre la montre »
Classique mais efficace ! Filles de la mer comporte un bel exemple : Hana est en train de nager assez loin du rivage lorsqu’elle aperçoit un soldat japonais s’approcher dangereusement de sa petite sœur qui joue sur la plage. La jeune fille va alors nager le plus vite possible pour arriver avant le soldat et se sacrifier pour être enlevée à la place de sa sœur. La scène est racontée de manière si prenante que le lecteur a l’impression d’être en apnée aux côtés d’Hana.
Autre exemple d’une scène très intense dans La perle et la coquille : Shekiba, spoliée de la terre de son père, s’échappe de chez son maître pour aller plaider sa cause chez le hakim, le juge de paix local. Son maître s’aperçoit vite de sa disparition et se lance à ses trousses. La jeune femme n’a que quelques secondes pour parler au hakim, par ailleurs tout à fait réticent à l’écouter. Lorsqu’elle jette un coup d’œil derrière elle, elle peut voir son maître se rapprocher inexorablement, fou de rage, prêt à la battre sauvagement : 100 m, 50 m, 20 m…
Le lecteur assiste impuissant à sa progression inévitable.
Cette technique se retrouve dans des scènes d’action, très physiques. Elle produit d’ailleurs un effet très physique sur le lecteur lui-même. Dans ces deux scènes, je retenais mon souffle, j’étais totalement aux côtés des personnages !
J’espère que ces quelques exemples vous inspireront 😊. Il me semble en tout cas que ces manières de captiver un lecteur ont toutes un point commun : elles reposent sur des enjeux fondamentaux pour les personnages. Leur existence, leur intégrité physique ou morale, le sens de leur vie en dépendent.
Et vous, quels procédés utilisez-vous pour accrocher vos lecteurs ?
Photo de couverture : réalisée par Min An
2 commentaires
Bonjour Garance, votre blog au ton frais et punchy donne la pêche ! Vous incitez par votre état d’esprit positiviste à écouter sa petite voix intérieure et à passer à l’action. Alors merci pour ce partage ! Et vous n’hésitez pas à livrer des secrets d’écriture de façon concrète et pratique en décortiquant la mécanique de 3 romans. Rien qu’à vous lire, vous m’avez donné envie d’acheter « La perle et la coquille » de Nadia Hashimi, « Le silence » d’Isra d’Etaf Rum et « Filles de la mer » de Mary Lynn Bracht pour les analyser de près… Floraika
Merci beaucoup Floraika ! Vous pouvez les acheter les yeux fermés, ce sont des valeurs sûres 🙂